Négociation ou Ego-ciation ?

Nous avons tous suivi le point de presse du Premier Ministre qui parlait du « lapin » que la CEDEAO vient de poser au Niger, dans le cadre des négociations prévues le 25 janvier dernier, et après déjà quelques rendez-vous manqués, de la part de la CEDEAO.

La médiation et l’arbitrage n’ayant pas permis de trouver un accord pendant ces 6 derniers mois, la négociation semble être la voie choisie par les autorités du Niger et la CEDEAO pour trouver un accord. Seulement, on n’a pas l’impression que la CEDEAO veuille vraiment négocier (finalement).

En général, lorsqu’un « partenaire » agit de la sorte, il peut y avoir plusieurs raisons possibles. Citons en deux :

1 : le rapport de force
Un partenaire qui a (ou qui pense avoir) le rapport de force en sa faveur dans une négociation, peut avoir une posture déstabilisante afin d’amener l’autre partie à mieux accepter ses propositions ou à le pousser à la faute (pour des raisons qu’il sera seul à connaître).
Seulement, le (vrai) rapport de force implique nécessairement deux éléments: un enjeu faible et une meilleure solution de rechange (ce que les Américains appellent la BATNA).
Je ne suis pas sûr que ces deux conditions soient réunies pour la CEDEAO exclusivement, au détriment du Niger. Donc, l’institution peut se faire du tort en adoptant cette posture, même si des signaux lui permettraient de croire qu’elle serait en position de force.

2 : la guerre des égos
Si pour une raison ou une autre (à tort ou à raison), les émotions prennent la place de la raison, et que les Ego pilotent les décisions, l’institution peut rentrer dans une sorte de guerre des égos, où il sera plutôt question de « marquer des points psychologiques » que de contribuer à trouver une solution. On assistera alors à une Ego-ciation, en lieu et place de la Négociation. Les autorités du Niger peuvent se garder de rentrer dans ce jeu.

Car, si cette option s’avère, on assistera à la « diplomatie par l’irrespect et la condescendance », après la diplomatie par la tyrannie et la barbarie (liée à toutes ces sanctions inhumaines infligées à la population du Niger). Et ça sera une (autre) sacrée manière de manifester le « soutien » à un peuple qu’on dit vouloir « aider ».

Alors, à la CEDEAO : 2 conseils
a- Savoir que les piliers d’une négociation qui réussit sont : Engagement, Considération, Compromis et Bénéfice mutuel
b- Refaire l’analyse du rapport de force, pour mieux apprécier la situation et avoir une posture digne et respectueuse des intérêts du Niger (aussi)

Au Niger : 2 conseils
c- Faire aussi une analyse dépassionnée du rapport de force, avec des éléments tangibles et mesurables, pour mieux affiner la stratégie de négociation et préserver les intérêts du Niger.
d- Si la négociation est (vraiment) la voie qui est choisie, alors se rappeler aussi des 4 piliers d’une négociation qui réussit (Engagement, Considération, Compromis et Bénéfice mutuel).

En outre, on peut avoir des points de no-deal en négociation, comme ce que Margaret Thatcher appelait TINA (There Is No Alternative), mais on sera tout de même amené à faire des compris sur d’autres points (le 3è pilier). C’est le sens de la négociation.

A tous les deux : Si la négociation est vraiment le chemin choisi, alors négociez vraiment !

Dr Mamane OUMAROU