Mon point de vue sur les négociations CNPC / État du Niger : Analyse et interrogations – Par Boubacar Tcholé

La cérémonie de la formalisation de l’accord signé entre le Niger et la CNPC à été présidée dans l’après-midi du 12 Avril 2024 par le Premier Ministre, Ministre de l’Economie et des Finances Ali Mahaman Lamine Zeine. Les négociations portaient sur le transport et la vente du Pétrole Nigérien via le pipeline Niger – Bénin.

Voir le Premier Ministre en personne et son équipe de négociateurs au-devant de la scène pour cette signature démontre le sérieux et le niveau d’engagement du Niger pour défendre ses intérêts dans ce dossier sensible.

A l’annonce de l’avance sur vente des 400 Millions de dollars soient 241 milliards de Francs CFA sur le Pétrole Brut, à un taux de 7%, beaucoup d’observateurs ont émis des réserves. Bien que certaines observations puissent être possiblement justifiées (notamment pour cause de manque d’informations), d’autres se sont plutôt basées sur les anciennes expériences du Niger (à tort ou à raison), en matière de négociation, dans lesquelles les intérêts du Niger étaient, au mieux, bradés, sinon trahis.

Ce qui a d’ailleurs engendré un sentiment de pessimisme collectif, dès lors que le mot « négociation » est prononcé. En effet, on se rappelle encore que les négociations d’alors étaient des occasions en or pour les décideurs, de se retrouver à Paris dans des hôtels de luxe avec des équipes (ultra) réduites, expertes en affairisme, mais novices en négociation (dans le sens noble du terme).

A côté de tous ces bruits, quelques éléments ont attiré mon attention sur ces négociations :

1-Le choix du lieu
En négociation, tout le monde sait que le choix du lieu va au-delà de la symbolique. C’est une stratégie qui donne des avantages psychologiques à « l’autochtone » sur son hôte. Les négociateurs nigériens ont demandé et obtenu que les échangent se fassent au Ministère des Finances. Ce qui présage d’une bonne prédisposition à préserver les intérêts du Niger.

2- L’enjeu et le rapport de force
Un autre élément éminemment important dans une négociation est l’enjeu pour chacune des deux parties, ainsi que le rapport de force. Les conjonctures actuelles n’étant pas forcément favorables au Niger (facteurs externes comme les encours de la dette externes ( marché primaire de l’uemoa, FMI, Banque Mondiale etc..) et dette internes), on pouvait s’attendre à des conditions désavantageuses, face à un pays qui représente la seconde puissance économique mondiale.
Mais, nos négociateurs ont pu obtenir 241 milliards d’avance, à un taux préférentiel de 7%, rapidement déblocable, pour un remboursement sur une période de 12 mois, dans un contexte où les taux sont entre 9%, en moyenne, et avec des conditions drastiques sur le marché des titres de l’UEMOA. Sur ce point, on peut féliciter aussi bien nos négociateurs que nos partenaires, qui ont été professionnels, plutôt que de profiter de manière déloyale.

Pour les coûts du transport du baril à 21 dollars, il faut reconnaître que le pipeline fait plus de 2000 km et forcément ce choix de Cotonou a eu un impact que les négociateurs ont tenu en compte au vue compte de résultat de wacpo. Le cours du baril de pétrole BRENT ce jour 15 Avril 2024 est de 87.21 USD. Avec le contexte actuel dans le moyen orient le cour subira une augmentation d’après les spécialistes du milieu. Nous devrions aussi tenir en compte de la qualité inférieure du pétrole Nigérien par rapport à celui du BRENT dans nos analyses.

En regardant ces deux éléments, on peut gager que les intérêts du Niger avaient été bien pris en compte et bien protégés par ses négociateurs.

Mes points de vigilance !

Malgré cette note optimiste, je ne peux m’empêcher de me poser des questions sur l’avenir de toute cette manne pétrolière :

  1. Dans quel cadre logique s’inscrit les fruits de ces négociations, pour le développement socio-économique du Niger?
  2. Quelle est la vision et la stratégie, en matière de gestion de ces fonds liés aux produits pétroliers, dans le cadre du développement socio-économique et de la transparence
  3. Dans quelle mesure les intérêts du Niger ont-ils été protégés : court, moyen ou long terme ? Les négociateurs, ont-il pris aussi en compte les intérêts du Niger dans le long terme?
  4. Quelle stratégie devons-nous mettre en place pour former des négociateurs compétents, dans tous les domaines, afin que le mot « négociation » ne sonne plus automatiquement comme une arnaque ou un jeu de dupes ?
  5. Quel est le mode de gestion de l’économie pétrolière au Niger ?
  6. Combien faut-il épargner pour les générations futures et les secteurs d’investissement?
  7. Comment stabiliser l’économie nigérienne face à l’imprévisibilité et à la variabilité des recettes pétrolières et éviter l’alternance d’expansions et de récessions comme dans les autres pays (Nigeria, Tchad etc….)?
  8. Comment assurer que les dépenses soient de qualité, qu’il s’agisse de gros projets d’investissement, de consommation publique ou de subventions.
  9. Quelle sont les dispositions prévues au niveau de la transparence et de la reddition des comptes ?
  10. Le Ministère du Pétrole a pu définir, mettre en œuvre et surtout centraliser un plan de formation de la main-d’œuvre locale à tous les niveaux de responsabilité dans le secteur du Pétrole ?

Boubacar Issaka Tcholé⁠
Citoyen Nigerien – Auditeur – Economiste

Email : papatchole@gmail.com