Appel à une unité d’action pour l’abrogation de l’ordonnance portant dérogation aux marchés publics adoptée par le CNSP

Le Réseau Nigérien Anti-Corruption (RENAC) exprime son inquiétude quant à la signature de l’ordonnance N°2024-05 du 23 février 2024 portant dérogation à la loi relative aux marchés publics, aux impôts, taxes et redevances et à la comptabilité publique.

Cette ordonnance exclut du champ d’application de la législation relative aux marchés publics et à la comptabilité publique les dépenses liées à l’acquisition d’équipements, de matériel, de fournitures, ainsi que la réalisation de travaux ou de services destinés aux Forces de défense et de sécurité (FDS), et à la prise en charge des citoyens victimes de déplacement forcé lié à l’insécurité. De plus, ces dépenses sont exonérées des impôts, taxes et redevances pendant la période de transition. De même, les dispositions de cette ordonnance s’appliquent aux acquisitions, travaux et autres prestations au profit du Palais et des résidences officielles.

Nous considérons que cette ordonnance constitue un recul en matière de bonne gouvernance dans le secteur de la sécurité et ne donne aucune garantie quant au respect d’une gestion saine des finances publiques. Elle est aussi une atteinte grave aux principes de contrôle des irrégularités et s’oppose également au décret N°2022-743/PRN/PM du 29 septembre 2022 portant Code des marchés publics et des délégations de service public.

Le RENAC est conscient des défis sécuritaires auxquels le Niger est confronté, mais cette situation ne devrait pas faire le lit à l’instauration d’un système d’opacité dans l’attribution des marchés publics et l’édiction de règles qui n’ont d’autre « mérite » que de (re) plonger les finances publiques entre les mains de prédateurs et autres affairistes sans vergogne sous le vernis de la légalité.

En excluant ces dépenses du champ d’application de la législation relative aux marchés publics, il existe un risque de perpétuation de la corruption dans ce secteur crucial.

Nous appelons donc à une prise de position commune de toutes les organisations de la société civile et des activistes, transcendant les clivages, pour faire front commun face à cette ordonnance. Nous devons adopter une attitude unique et exiger ensemble son abrogation. C’est cela qu’on appelle l’unité d’action, et c’est seulement ainsi que nous pourrons préserver les principes de transparence, de responsabilité et de bonne gouvernance dans la gestion des affaires publiques.

Nous souhaitons également rappeler le premier message du CNSP, dans lequel il dénonçait la corruption et la mauvaise gouvernance. Nous espérons que ces principes seront maintenus et que des mesures seront prises pour garantir la transparence et la responsabilité dans le secteur des marchés publics.

Nous invitons Monsieur le Président du CNSP, Chef de l’Etat du Niger, à prendre en considération nos préoccupations et à veiller à ce que les principes de transparence, de responsabilité et de bonne gestion des finances publiques soient respectés. Nous sommes convaincus que la refondation de l’Etat du Niger doit se construire autour de ces valeurs fondamentales afin de promouvoir une gouvernance vertueuse et de répondre aux attentes légitimes de la population.

Pour rappel, le 28 juillet 2023, lors de sa première déclaration à la nation, le Général Tiani Abdourahamane, Président du CNSP, soulignait les défis auxquels le gouvernement déchu avait montré ses limites, notamment la lutte contre la corruption sous toutes ses formes. « Sur le plan économique et social, l’amélioration de l’état actuel de nos finances publiques et du tissu économique de notre pays, la situation de l’école nigérienne, de la santé de nos populations, la lutte contre le détournement des deniers publics, la lutte contre l’impunité, la corruption sous toutes ses formes, le népotisme et les difficultés auxquelles font face les Nigériens au quotidien, sont autant de défis auxquels le gouvernement déchu a montré ses limites. » a-t-il déclaré.

Nous rappelons au CNSP que l’annulation des impôts et taxes dans l’ordonnance entraînera des conséquences importantes, notamment en ce qui concerne la révision de la loi des finances. En effet, cette mesure entraînera des pertes de revenus qu’il sera nécessaire de compenser par d’autres moyens. En plus, La réglementation de l’UEMOA concernant les marchés publics n’exclut pas les dépenses liées aux domaines militaires et au palais.

Nous restons engagés dans la lutte contre la corruption et la promotion de la bonne gouvernance, et nous espérons que nos voix seront entendues et prises en compte.

Fait à Niamey, le 12 mars 2023

Le Président du Réseau Nigérien Anti-Corruption (RENAC)