Société civile OU société si-vile ?

Certains voient la société civile comme l’opposé du monde politique du fait de son rôle de contre-poids qu’elle peut jouer en faveur du peuple, lorsque le pays est mis au service des partis politiques et des individus.

D’autres la voient comme une composante complémentaire au monde politique. Un cadre pour tous ceux qui veulent servir le peuple en dehors du jeu établi par les partis politiques.

Dans tous les cas, la société civile est une organisation à but non lucratif où les acteurs agissent pour l’intérêt exclusif du peuple de manière désintéressée et par conviction aux domaines qu’ils défendent. Ses acteurs gagnent leur vie autrement, car ils considèrent que le cadre de la société civile n’est ni un capital pour s’enrichir, encore moins un fonds de commerce ni un cadre de recherche de postes ou de combines.

La société civile est comme une abeille. Elle pique quand il le faut (critique constructive), mais est surtout connue pour sa production de miel (idées et propositions) au bénéfice de la population.

Puis, il y’a les autres. Les usurpateurs. La société si-vile. Pour ses acteurs, le cadre dans lequel ils agissent est un fonds de commerce. Leur plus-value, c’est la « gueule » et le « courage ». Ils savent crier plus fort que les autres et savent monnayer leurs positions et ralliements (au pouvoir en place ou à l’opposition). Mais rarement au peuple, puisqu’il n’a « rien » à leur offrir.

Ils savent qu’à force de crier et de se faire emprisonner, la magie va opérer. Ils auront ainsi leurs heures de gloire. En quelques mois (voir années pour les plus patients), ils accumulent des signes extérieurs de richesse (villas, voitures, vêtements et voyage de luxe), alors qu’ils ne sont ni commerçants ni entrepreneurs.

Ils sont comme la mouche. Ils ne se posent que sur les sucreries (tous les privilèges qu’ils visent), ou les déchets (les sales affaires des autres). C’est cette énergie qui les fait avancer.

Par ailleurs, ils n’ont pas assez de compétences dans les domaines qu’ils prétendent défendre. Voire aucune dans certains cas. Mais ils apprennent « au fur et à mesure ».

Une fois qu’ils accèdent aux privilèges visés, ils s’adonnent à ce qu’ils savent faire le mieux : trafic et jeu d’influence, « affaires » et autres « business », qui tuent le pays à petit feu. Bref, ils deviennent à leur tour des politi-siens.

Professeur Mahaman Tidjani Alou disait dans NIGER : LA SOCIETE CIVILE FACE AUX MUTATIONS SOCIOPOLITIQUES que la société civile au Niger s’assimile à un ensemble d’organisations hétéroclites à buts différents. La fortune de l’expression n’empêche néanmoins pas que l’image de la société civile soit très ambivalente. L’on a souvent dénoncé la tendance des membres dirigeants à la prévarication ou encore à la chasse au per diem. Cette propension bien réelle a favorisé la diffusion d’une image négative de la société civile que beaucoup ont assimilée à des organisations qui travaillent, non pas pour l’intérêt général, mais bien pour la seule promotion de leurs membres dirigeants. Mais il ne s’agit là que de l’une des faces de la société civile, qui est aussi perçue dans la vie publique comme un espace vertueux de militants désintéressés, opérant pour des buts collectifs et travaillant dans le sens de la promotion de l’intérêt général. Par ailleurs, il faut admettre que les organisations dites de la société civile ont été caractérisées par leur action progressiste sur le champ politique nigérien. Une telle tendance n’est pas sans lien avec le rôle qu’elles ont joué dans l’enclenchement du processus démocratique. Elles ont été à l’avant-garde des luttes multiformes qui sont venues à bout des régimes autoritaires en place depuis le début des années 1960. Leur intervention dans les arènes politiques est donc éminente, en raison de leurs nombreuses prises de position sur les grands enjeux qui ont marqué la vie politique nationale.

Il faut relever encore la tendance de ces organisations de la société civile à la personnalisation, en raison de l’identification en la personne de leur leader. On constate peu d’alternance à la tête de ces structures qui maintiennent les « pères fondateurs » durant de longues périodes.

A terme, cette tendance remet en cause toute la dynamique associative qui caractérise ces organisations et peut provoquer un réel déficit démocratique en leur sein. Il faut enfin reconnaître que les associations nigériennes dites de la société civile ont un ancrage urbain fortement marqué. Les plus visibles d’entre elles ne sont que très peu présentes en milieu rural. Là, on ne trouve que des groupements féminins et de producteurs qui sont souvent mis en place par les projets de développement.