5 dates inoubliables pour le Niger et les Nigériens

La vie d’une nation est rythmée par des hauts et des bas qui forgent son caractère ainsi que son cheminement vers le destin qu’elle s’est choisi.

Sans exagérer, on peut affirmer que ces 7 derniers mois ont rythmé le destin et l’histoire du Niger, plus que plusieurs décennies de vie politique.

En effet, en 7 mois le Niger a connu de grands moments qui ont eu su révéler la fibre chauvine de chaque nigérien, plus que n’importe quelle campagne politique. En 7 mois, des masques de 30ans sont également tombés pour laisser entrevoir le vrai visage de certains nigériens qui sont prêts à tout pour continuer à rester dans les privilèges de l’état. En 7 mois, le peuple nigérien a dû puiser dans ses réserves matérielles et morales, pour résister à ce qui ressemble à une punition collective (pour ne pas dire un étouffement collectif). En 7 mois, le Niger a compris sur qui il peut réellement compter, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur.

Revenons sur 5 dates qui ont rythmé ces 7 mois de résistance et de résilience, pour un devoir de mémoire :

Le 26 juillet 2023 :
C’était le point de départ.
Un évènement aussi bien inattendu qu’improbable était sur le point de se réaliser, très tôt ce matin du 26 juillet 2023. Les nigériens s’étaient réveillés médusés, face au silence assourdissant du côté de la présidence de la République. Le pays entier était à l’image d’une maison dans laquelle on attend l’arrivée d’un bébé.
Dans ce moment d’attente qui devenait de plus en plus insupportable, au point de suspendre toute activité, l’espoir et le désespoir se côtoyaient. Certains souhaitaient un avortement ou une fausse couche, en prétextant que l’enfant ne serait pas légitime, ou serait issu d’un cas d’inceste. D’autres (la majorité vraisemblablement), en revanche, souhaitaient que tout se passe bien, et attendait juste le premier cri du bébé pour célébrer la nouvelle
Enfin la nouvelle tomba : l’enfant est né, sans césarienne ni péridurale. Il est né sans perte de sang, et il a bien poussé son premier cri, signe qu’il est en vie et en bonne santé. Les youyous ont alors envahi toute la maison, dans une communion de tout un peuple, jamais observée dans son histoire.
Quant à ceux qui criaient au scandale, ils se disaient légalistes et préféraient mettre en avant le droit et la légalité au-dessus de l’espoir crée dans toute la maison. Ils étaient subitement devenus les garants de la vertu et de la morale, alors que cette même légalité qu’ils disent défendre est entachée de corruption, de népotisme, d’affairisme et d’injustice sociale.

Dans tout ce capharnaüm, le peuple semblait avoir fait son choix : l’espoir au sein d’une unité sacrée, plutôt qu’une lecture savante, non moins tendancieuse et plurivoque de ce qui est légal ou pas.

Le 30 juillet 2023
C’était la date où la CEDEAO avait décidé de porter son genou sur le cou du Niger et des 26 millions de nigériens. Elle a voulu étouffer tout un peuple, en prétextant, pourtant, se battre pour ses intérêts. Elle a voulu écraser sa veine jugulaire, pour causer la « mort » par asphyxie, si elle n’obtenait pas ce qu’elle voulait (pas ce que le peuple nigérien voulait). En effet, ni les produits pharmaceutiques, ni les produits de premières nécessités n’étaient autorisés à rentrer au Niger. Les avoirs du Niger étaient gelés, à la banque centrale. Les frontières étaient fermées et l’électricité était coupée.
Aucune dérogation n’était faite à ce peuple de 26 millions de personnes, pour un coup d’état qui n’a fait couler aucune goutte de sang. La gravité de cette décision n’avait d’égale que la cruauté de l’intention avec laquelle elle a été prise. Même en temps de guerre, on ne voit pas ces genres de posture. Cela doit rentrer dans les annales de l’histoire, pour un devoir de mémoire.

Les Nigériens avaient déjà entendu dire qu’une image vaut 1000 mots. Ce 30 juillet, ils venaient de comprendre, que pour la CEDEAO, un intérêt vaut 26 millions de vie !

Beaucoup de pays jadis amis, s’étaient associés à cette solidarité létale pour « punir » le Niger et les nigériens. Ils avaient juste oublié que pour maintenir son genou sur le cou de quelqu’un, il faut rester soi-même à genoux ! Alors, personne n’avancera. Et c’est ce qui s’était passé.

Disons MERCI aux pays qui se sont désolidarisés de cette décision inédite, et qui étaient restés aux côtés du Niger et de son peuple. Nous nous en souviendrons encore longtemps.
MERCI également au peuple nigérien qui est resté digne et résilient, malgré le poids de ces sanctions injustes et inhumaines.

Le 06 Août 2023
Au lieu de considérer le Niger et ses nouvelles autorités comme un partenaire avec qui négocier ou même un adversaire à affronter (pourquoi pas), la CEDEAO les a considérés comme un ennemi à abattre. Le 06 août 2023 était la date limite pour mener l’assaut (intervention militaire) au Niger, si les nouvelles autorités ne se pliaient pas à ses injonctions.
Faire la guerre à un pays membre, frère et ami, dont on prétend défendre le peuple. Rien que ça !
La diplomatie émotionnelle, guidée par la terreur et le mépris était alors à son comble.
Le plus dur à accepter était de voir qu’il y avait des Nigériens qui étaient prêts à guider les canons de la CEDEAO, pour des frappes dites chirurgicales. Ils s’étaient associés à ce projet mortuaire, en prenant le soin de saupoudrer cette haine avec des mots comme « démocratie », « ordre constitutionnel », « légitimité » etc.
Rien ne pouvait justifier cette posture, pour un pays qui leur a pourtant tout donné. Pourtant, ils l’avaient fait.

MERCI à tous les pays qui s’étaient sentis menacés, au même titre que le Niger, et qui étaient prêts à intervenir en cas d’attaque contre le Niger et les Nigériens. Nous nous en souviendrons également.

Le 28 janvier 2024
La confiance se gagne en gouttes, mais se perd en litres (Jean Paul Sartre).

C’était un dimanche. Les 3 pays de l’AES (l’Alliance des Etats du Sahel) avaient décidé de passer un message commun. La synchronisation de la lecture du message ainsi que le contenu qui était exactement le même pour les 3 pays, laissaient croire à une tactique pour dévier (probablement) une autre tactique en cours de déploiement par la CEDEAO et ses partenaires.

En substance, le message indiquait la sortie de la CEDEAO, sans délai, des 3 pays de l’AES, qui avaient considéré que la CEDEAO a fait un trou béant sur le fût de la CONFIANCE. Elle semblait alors définitivement rompue.
Les 3 pays de l’AES doivent, néanmoins, aller au-delà de la tactique pour assoir une vraie stratégie qui fera le bonheur des pays et des peuples.

Le 24 février 2024
La CEDEAO a décidé de se relever (car elle était à genoux), et de lever son genou du cou des 26 millions des Nigériens. Elle a décidé de lever ses sanctions injustes et inhumaines, avec effet immédiat. C’est difficile de dire merci à son bourreau. Disons, juste, que nous avons pris acte.
Après plus de 208 jours de privation et de confiscation de biens, le Niger et les Nigériens étaient restés dignes et résilients. Ils ont appris beaucoup de choses par rapport aux institutions et aux partenaires.
Gageons que tout cela servira de leçon, dans la définition de la stratégie au service du développement socio-économique durable du Niger et de son peuple.

Dr Mamane OUMAROU